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Carnets de voyages insolites à travers la Grèce profonde
Enseignante de français, latin et grec ancien pendant trente-sept ans près de Montpellier, j’emmenais souvent mes élèves en Grèce, mais j’étais chaque fois obligée de les décevoir en leur avouant que je ne pourrais leur servir d’interprète ni leur traduire les journaux, à part quelques mots isolés. C’était à mes yeux à la fois absurde et vexant : je m’étais donc promis de me mettre un jour à étudier le grec moderne. Ce fut chose faite deux ans avant la retraite.
La réalisation de ce projet m’a fait découvrir tout un monde ignoré et m’a entraînée dans une aventure qui ne cessera, espérons-le, qu’à ma mort. J’ai commencé cette étude en leçons particulières avec une Grecque installée dans ma région. Peu à peu elle est devenue une amie, et les siens, qui vivent là-bas, constituent à présent ma «famille grecque» que j’ai plaisir à revoir à chacun de mes voyages. Ensuite, à l’université Paul Valéry de Montpellier, j’ai obtenu en quatre ans deux Masters de grec moderne («Etudes culturelles» et «Traduction professionnelle») en gravissant parallèlement tous les échelons du «Certificat de connaissance de la langue grecque», équivalent du TOEFL anglais ou du DALF français. Je continue à lire et à regarder la télévision en grec tous les jours. De plus, ces études m’ont fait découvrir la littérature, l’histoire et la civilisation de la Grèce contemporaine : comme l’immense majorité des Français, je les ignorais presque totalement.
Mes voyages scolaires s’étant limités au classique tour de la Grèce antique (Athènes, Epidaure, Mycènes, Olympie, Delphes), certes passionnant, mais que j’avais fini par connaître par cœur, l’envie m’est venue de découvrir tout le reste du pays en sortant des sentiers battus. Ce choix imposait de renoncer à la sécurité des voyages organisés. J’ai même décidé de partir seule — ce qui m’a demandé au début un effort de volonté — pour avoir une totale liberté de manœuvre et pouvoir discuter avec les habitants. En effet, j’ai remarqué qu’on s’adresse plus facilement à une personne seule qu’à un couple ou à un groupe. Ne partant jamais l’été par crainte de la chaleur, je n’ai aucun problème de réservation, et les Grecs ont ainsi plus de temps à me consacrer. Mais il faut dire que j’ai rencontré très peu de touristes qui voyagent seuls, et presque jamais de femmes, surtout de mon âge. Pourtant, je ne me suis jamais sentie en insécurité nulle part. Il vaut mieux, bien sûr, éviter certains quartiers d’Athènes la nuit.
Depuis 2009, j’ai entrepris une exploration systématique et intensive de la Grèce dans tous ses recoins, province après province, au cours de deux ou trois voyages de trois semaines par an. J’ai également visité les régions qui avaient un rapport avec l’histoire des Grecs : la Sicile, Chypre et Istanbul. Tous les lieux dont je parle sont mentionnés plus ou moins longuement dans les bons guides qui donnent leurs descriptifs et les itinéraires. Mais à l’arrivée dans une ville ou une île, j’achète aussi un guide local, beaucoup plus détaillé.
Ayant découvert tant de lieux méconnus et de gens adorables, j’ai voulu faire profiter de mon expérience les touristes qui souhaitent connaître une autre Grèce. J’espère qu’ainsi ils auront envie de suivre mes traces et de s’informer plus en détail sur ce pays.
Simone Taillefer
La Grèce moderne n’existe pas
Par ce titre provocateur, je voudrais moquer toutes les ignorances et les clichés que les étrangers véhiculent sur ce pays.
Un aubergiste grec m’a raconté que des clients hollandais croyaient la Grèce habitée uniquement sur les côtes. Inversement, j’ai rencontré une hôtelière grecque persuadée que les Français n’avaient pas la mer chez eux.
Aux Météores, un couple de compatriotes de mon âge m’a demandé quelle langue les gens parlaient dans ce pays. Ahurie, je leur ai rétorqué : « Laquelle d’après vous ? ». Réponse du mari : « Ben, l’espagnol peut-être ? ».
Un jour, en France, dans un club de lecture où je présentais les livres grecs que j’avais traduits, j’évoquais le fait qu’on ne connaissait de l’histoire grecque que l’Antiquité et que 99% des Français, même cultivés, étaient incapables de situer, à trente ans près, la date de l’indépendance de la Grèce (1830). Une dame d’un âge certain, pourtant grande lectrice, me dit alors : « Mais l’indépendance par rapport à qui ? », montrant ainsi qu’elle ignorait que la Grèce avait été occupée 400 ans par les Turcs. Certains situent son indépendance en 1974 (chute de la dictature des Colonels).
On sait bien peu de choses chez nous sur l’Empire Byzantin, et rarement que sa langue officielle était le grec. Pourtant cette période est, pour les Grecs d’aujourd’hui, aussi fondatrice de leur culture que celle de l’Antiquité.
Toute ma génération connaît le film « Zorba le Grec » et son fameux sirtaki (danse fabriquée pour le film !), mais presque personne ne sait qu’il est tiré du roman « Alexis Zorba » de Nikos Kazantzaki, œuvre bien plus riche que le film.
On ignore totalement que la Grèce a eu deux prix Nobel de littérature, tous deux poètes, Georges Séféris en 1963, et Odysseas Elytis en 1974, ce dernier connu des seuls fans d’Angélique Ionatos qui chante ses poèmes. Remarquez j’ai même rencontré un libraire qui s’avouait incapable de citer un seul auteur grec du 20° siècle ! Mais ces mêmes étrangers qui n’en connaissent pas un se délectent à lire des auteurs non-grecs écrivant des romans qui se passent en Grèce. Un certain Rafaël Navarin chez les germanophones, et surtout, chez les anglophones et chez nous, Victoria Hislop qui tire à un million d’exemplaires, quand les auteurs grecs contemporains chez nous dépassent rarement les 3000, sauf Pétros Markaris parce qu’il écrit des policiers.
Quant à la géographie, on peut espérer que la plupart des Français savent situer la Grèce sur une carte du monde. Cependant beaucoup confondent la Crète et Chypre, croyant que la première est un pays indépendant, ou bien ne savent pas si Thessalonique est une ville (la 2° de Grèce) ou une région ; c’est déjà heureux quand ils en connaissent le nom.
Pour en terminer avec leur ignorance et mettre du baume au cœur de mes compatriotes, qu’ils sachent que les Grecs considèrent les Français comme les étrangers les plus intéressés par la culture.