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Le taxi de Tilos
Le taxi de Tilos
La petite île de Tilos n’est desservie que par bateau et de manière espacée en cette saison. Je ne pouvais y rester que douze heures ou quatre jours, halte trop longue pour mon planning. Je l’ai donc visitée «à la japonaise». Arrivée vers cinq heures du soir, je devais en repartir à six heures du matin. J’ai appelé le seul taxi de l’île dans lequel je me suis promenée pendant plus d’une heure.
Le chauffeur, un homme de mon âge, après avoir travaillé vingt-cinq ans à Athènes, s’était retiré dans son île natale. Moi qui n’ai conduit qu’une seule fois dans la capitale, je me suis juré de ne plus jamais m’y risquer : je lui ai raconté comment j’avais failli me faire emboutir trois fois et m’étais fait insulter par un de ses ex- collègues parce que je ne dégageais pas assez vite la voie à un carrefour. Quel contraste avec les routes quasi désertes des îles où les seuls obstacles sont les chèvres couchées en travers ! Il m’a montré les lieux intéressants : Mégalo Chorio, au pied d’une falaise couronnée par une forteresse vénitienne, Mikro Chorio, village abandonné dont les habitants sont partis en emportant leurs toits de pierre, et le beau monastère du XVe siècle, Saint Panteleïmon (le «Tout charitable»), perché sur une falaise plongeant dans la mer. Fautes de moines il était fermé : grâce à mon chauffeur qui avait la clé, j’ai pu le visiter à loisir et admirer ses fresques et son iconostase.
Nous avons discuté de la situation économique en Grèce, et comme je m’étonnais de voir partout tant de chèvres sauvages en liberté, il m’a dit d’un air résigné : «A Tilos nous avons près de cinq mille chèvres et nous ne produisons pas un seul litre de lait. Plutôt que de se fatiguer à les traire, les jeunes préfèrent attendre les subventions de Bruxelles au bistrot !»
Olympos, le village hors du temps
Olympos, le village hors du temps
Je terminais mon périple dans le Dodécanèse, les «douze îles», par celle de Karpathos, posée comme un trait d’union entre la Crète et Rhodes. Contrairement à celle-ci, elle n’est encore ni bétonnée ni envahie. Comme dans tout l’archipel, les Italiens en chassèrent les Turcs en 1912 et ces îles furent le dernier territoire à être rattaché à la Grèce, en 1948 seulement. Elles ont gardé de cette occupation quelques bâtiments «Art déco». Les plus nombreux se trouvent dans l’île de Léros et à Rhodes (Thermes de Kallitea en particulier) mais Pigadia, le chef-lieu de Karpathos, présente aussi un bel ensemble mairie-musée-gendarmerie.
Je voulais surtout découvrir le village d’Olympos, à 17 km au nord, célèbre pour ses moulins. Jusqu’à une époque récente il n’était accessible que par une mauvaise piste taillée à flanc de montagne. J’empruntai en fin de journée la nouvelle route ; le vent soufflait en tempête et les nuages galopaient le long des crêtes, donnant un air sinistre au paysage. Soudain, à la sortie d’un virage, je vis apparaître dans un rayon de soleil une cascade de maisons blanches. Je stoppai à l’entrée du village, impraticable aux voitures. J’étais au bout du monde, seule touriste ce soir-là. Vision étrange, une dame allait jeter ses sacs poubelles en costume traditionnel. Ici toutes les femmes d’âge mûr le portent encore. Quand je lui demandai où était l’hôtel Astro, elle m’apprit qu’elle en était la propriétaire. Je l’accompagnai dans les étroites ruelles en pente. Dans l’entrée, je croisai un maçon albanais (ses compatriotes font ce que les Grecs ne veulent pas faire), qui vivait à Karpathos depuis cinq ans et me montra fièrement les aménagements qu’il avait réalisés. J’avais lu que, dans ce village, les femmes cuisent encore leur pain une fois par semaine dans les fours communaux. Mais les temps changent, et l’une d’elles m’apprit que désormais, chacune le faisait le jour qui lui convenait.
Le lendemain l’hôtelière me montra l’intérieur de sa maison, très typique. Au petit déjeuner elle me servit un délicieux fromage fabriqué par sa fille qui, elle, ne rechignait pas à courir derrière les chèvres dans la montagne ! Les habitants d’Olympos s’étaient autrefois réfugiés très haut, hors de portée des pirates : ils ont sans doute légué à leurs descendants la capacité à ne compter que sur soi-même.
Les héros oubliés
Les héros oubliés
Astypaléa, île du Dodécannèse mais plus proche des Cyclades par l’architecture et les paysages, offre une « capitale » qui vaut le détour : une cascade de maisons blanches dévale un piton couronné par une forteresse vénitienne et plongeant dans la mer. Elle reste encore en dehors des sentiers battus, mais allez-y avant qu’elle ne devienne à la mode!
Le reste de l’île est des plus arides, sans un arbre ; mais avec des côtes rocheuses très découpées et quelques îlots alentour, l’ensemble a beaucoup d’allure.
Une baie bien protégée fut le théâtre d’un sacrifice oublié. En 1823, un navire français dût s’y réfugier pour fuir une tempête. La baie s’appelle Maltézana. C’était le repaire de pirates maltais qui, comme tous leurs semblables, quelque nationalité ou religion qu’ils aient eue, ne cessaient d’écumer la mer Égée depuis l’Antiquité.
Ce navire donc, commandé par le très jeune capitaine breton Hippolyte Bisson, avait précisément pour rôle de faire la chasse aux pirates et d’aider aussi les Grecs en pleine guerre d’indépendance contre les Turcs.
Attaqué pendant la nuit par les flibustiers dérangés dans leur repaire, l’équipage de treize hommes résista vaillamment à cent quarante adversaires. Le capitaine, ayant perdu plusieurs matelots, ordonna aux autres de s’enfuir à la nage puis fit sauter le navire, débarrassant ainsi la planète d’une bande de canailles qui l’infestait.
Seuls les Grecs, reconnaissants, ont érigé à Bisson un petit monument sur le rivage. Ses compatriotes n’ont jamais entendu parler de lui, pas plus que d’autres officiers français comme Fabvier, Maison ou De Rigny qui commandèrent des philhellènes dont beaucoup périrent pour l’indépendance grecque.
Il est très injuste que l’histoire ait retenu le seul nom de Lord Byron alors qu’il n’était même pas mort au combat !