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Armoiries de Venise, omniprésentes dans les îles ioniennes qu’elle a occupées quatre siècles et où les Turcs, malgré leurs tentatives n’ont pu s’implanter durablement qu’à Leucade. Celles-ci ornent la forteresse de Zanthe (Zakynthos en grec)

Armoiries de Venise, omniprésentes dans les îles ioniennes qu’elle a occupées quatre siècles et où les Turcs, malgré leurs tentatives n’ont pu s’implanter durablement qu’à Leucade. Celles-ci ornent la forteresse de Zanthe (Zakynthos en grec)

Le poète de Corfou

Quand j’ai annoncé à mon entourage que mon prochain voyage commencerait par là, tout le monde s’est écrié : «Ah ! Corfou !!». Mais l’île mythique allait me réserver des surprises qu’aucun guide ne mentionnait.

Tout d’abord, j’ai affronté deux jours de tempête, pluie et vent de force 6 ou 7, pour visiter les lieux incontournables censés briller au soleil : l’Achilléon, palais de l’inconsolable Sissi, les deux îlots de la baie de Kanoni, la Spianada avec les arcades du Liston et les deux forteresses qui résistèrent aux Turcs.

En visitant la pinacothèque, j’ai bavardé avec le gardien, un sympathique quadragénaire qui s’est révélé poète. Il m’a invitée le soir même à prendre un verre et m’a offert un recueil dédicacé de ses œuvres. Il souhaitait être publié dans une revue française et je lui ai donné des adresses de traducteurs, car je ne m’étais essayée jusque là qu’à la traduction en prose. Il a eu l’air très déçu quand je lui ai révélé que les Français lisent de moins en moins et surtout très peu de poésie. Tout comme les Grecs vivent toujours sur la réputation de leurs ancêtres de l’Antiquité, nous profitons encore de celle de nos grands auteurs passés.

Rentrée à l’hôtel, j’ai découvert avec surprise, en lisant les premières pages, que l’auteur était un gay. En feuilletant le recueil, j’ai constaté que tous les poèmes parlaient de «l’amour grec» — les esprits chagrins diront «la drague homo» — dans des termes plus ou moins crus, mais évoquant l’inquiétude, la souffrance et la solitude tout autant que la jouissance. Nettement inspiré par Cavafy dont il partage le style recherché, les références à l’Antiquité et un même registre lancinant — corps, beauté, désirs, plaisirs — il y ajoute une note personnelle par son fétichisme du pied (ou des jambes, car en grec c’est le même mot !).

La lecture de ses poèmes a rythmé mon voyage, et je méditais sur le contraste absolu entre l’image d’Epinal d’un Corfou ensoleillé pour voyages de noces et celle d’une ville dont les ruelles pluvieuses abritent une quête éperdue de plaisirs inavoués.

 

La plus jolie vue d’Ithaque : la baie de Vathy (= profond en grec), îles ioniennes

La plus jolie vue d’Ithaque : la baie de Vathy (= profond en grec), îles ioniennes

Vue de la ville de Leukade, îles ioniennes, où l’on voit bien la position particulière de l’île : très proche du continent (au fond à droite), on y accède par deux longues digues coupées par un canal avec un pont tournant, devant une forteresse vénitienne. Entre le canal et la ville, un vaste étang.

Vue de la ville de Leukade, îles ioniennes, où l’on voit bien la position particulière de l’île : très proche du continent (au fond à droite), on y accède par deux longues digues coupées par un canal avec un pont tournant, devant une forteresse vénitienne. Entre le canal et la ville, un vaste étang.

Le professeur de Céphalonie

Un des plus beaux sites de Céphalonie : le petit port d’Assos au nord-ouest, îles ioniennes.

Un des plus beaux sites de Céphalonie : le petit port d’Assos au nord-ouest, îles ioniennes.

Lors de mon passage à Argostoli, la «capitale» de l’île de Céphalonie, je visitai le musée Korgialénio particulièrement impressionnant par les photos du terrible séisme de 1953 qui ravagea toutes les îles ioniennes à l’exception de Corfou. Argostoli a été bien restauré tout comme l’île de Zanthe avec ses arcades à l’italienne, sa place St Marc (eh oui !) et sa place Solomos, du nom du premier poète célèbre de la Grèce contemporaine, auteur de l’hymne national, né dans cette île.

En sortant du musée j’entendis les bribes d’un chant martial entrecoupées de coups de sifflet. Je m’approchai du lieu d’où ils provenaient : c’était un collège où les élèves répétaient, dans la cour de récréation, le défilé du 28 octobre.

La Grèce est, à ma connaissance, le seul pays au monde à avoir deux fêtes nationales !

Le 25 mars commémore la date du soulèvement général contre la Turcocratie en 1821, et le 28 octobre celle où, en 1940, le dictateur de l’époque, Métaxas, opposa son fameux «Non» à Mussolini qui voulait traverser la Grèce avec ses troupes. Lors de ces deux fêtes, outre les bénédictions religieuses qui accompagnent même l’inauguration d’un stade ou d’un supermarché, les élèves de tous âges doivent défiler au pas derrière le drapeau.

J’engageai la conversation avec un jeune professeur de français appuyé contre la grille. Je lui révélai que ce serait impensable en France où seule l’armée défilait le 14 juillet. Il m’avoua que cela commençait à faire l’objet de polémiques en Grèce et que certains enseignants voulaient s’y opposer.

Chez nous il est de bon ton de ricaner sur les manifestations patriotiques, considérant que c’est connoté «extrême-droite», et le terme «ancien combattant» est souvent employé de façon péjorative. Mais nous raisonnerions peut-être autrement si nous avions vécu 450 ans sous la botte des Turcs.

Statue de Solomos à Zanthe, îles ioniennes, portant le refrain de l’hymne national : «Sortie des ossements sacrés des Hellènes avec ta bravoure d’antan, salut à toi ô Liberté !»

Statue de Solomos à Zanthe, îles ioniennes, portant le refrain de l’hymne national : «Sortie des ossements sacrés des Hellènes avec ta bravoure d’antan, salut à toi ô Liberté !»

 

Eglise de St Charalambos à Zanthe, de style italien, typique des îles ioniennes.

Eglise de St Charalambos à Zanthe, de style italien, typique des îles ioniennes.

« L’embarquement pour Cythère »

Port de Diakophti. Ile de Cythère, îles ioniennes

Port de Diakophti. Ile de Cythère, îles ioniennes

Le moins qu’on puisse dire c’est que le mien n’a ressemblé en rien au célèbre tableau de Watteau ! Le temps s’était gâté la veille et j’ai traversé sous un déluge (« kataklysmos » en grec) de pluie et d’écume. A l’arrivée, pas de voiture à louer avant le lendemain matin et, la nuit tombant, j’ai atterri chez une famille d’ « Australiens » qu’on m’avait indiquée au port.

En fait il s’agissait de Grecs nés dans l’île, un couple âgé qui, comme la plupart des exilés de Cythère, avaient émigré en Australie. Ils avaient débarqué là-bas, à peine âgés de seize ans, chez un vague oncle, sans connaître un mot d’anglais et y avaient exercé divers métiers, dans la restauration surtout, le pays comptant quelques 100 000 Grecs d’origine. Leurs deux fils, vieux garçons apparemment, étaient nés là-bas, et l’un d’eux parlait le grec avec un tel accent anglais que j’avais bien du mal à le comprendre. Ils m’ont accueillie chaleureusement, me débitant tous les clichés possibles sur la France : parfums, bijoux, femmes élégantes etc… Je leur ai dit (mais ils avaient dû s’en apercevoir) que je n’étais guère représentative de la femme française telle qu’ils l’imaginaient, avec mon look de routarde, sac à dos (et pas de chez Hermès !) et grosses chaussures, et que je ne m’intéressais qu’aux choses de l’esprit.

Maison abandonnée dans le village de Mitata. Cythère, îles ioniennes

Maison abandonnée dans le village de Mitata. Cythère, îles ioniennes

Depuis leur retraite ils louaient des chambres près du port, partageant leur temps entre leurs deux patries. Mais cette année ils allaient la passer entièrement à Cythère, le prix des billets et la baisse des fonds en étant sans doute la cause. Ils m’ont parlé de leur village d’origine, d’une taille inversement proportionnelle à la longueur de son nom, Travasarianika, où ils ont encore de la famille.

Je leur ai demandé où ils étaient le plus heureux, à Cythère ou en Australie. Ils m’ont avoué qu’ici comme là-bas ils se sentaient des étrangers.